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QUEL EST L'ENDROIT (SITE, SUPPORT...) LE PLUS ÉTONNANT OÙ VOUS AYEZ ÉCRIT ?

Justin Delareux : Un garage, un mur d'école, une grange, une vitrine, une usine, devant une raffinerie, un train, un camion, un car, un ancien hôtel particulier appartenant à Alice H., duchesse de Monaco, et bien d'autres endroits encore. La poésie doit aussi « en sortir ».

Stéphane Bernard : Trop facile, Justin, tu es aussi un artiste...  Mais tu as des traces de tout ça ?

Justin Delareux : Bien sûr (ici). Il n'y a pas tout. Mais quelques restes. Et j'ai vraiment commencé ce genre de chose à la fois contre le graffiti et pour une poésie hors page (post-poésie comme le dit Jean-Marie Gleize).

Francesco Pittau : Une cuisine.

Stéphane Bernard : Francesco, je ne vous crois pas.

Murièle Modély : Très très conventionnelle, je n'écris qu'à mon bureau (orienté sud-est m'a-t-on dit, qui est la bonne orientation feng shui pour moi il paraît, haha...). Sinon, je réfléchis... Ah si dans une bibliothèque publique (très original pour une bibliothécaire).

Francesco Pittau : Un jour j'ai écrit sur le dos d'un crocodile qui traversait le fleuve Zaïre, tandis que des mercenaires me tiraient dessus au mortier.

Stéphane Bernard : Ah bah voilà, Francesco, vous dites enfin la vérité. C'est mieux, beaucoup mieux. (Et vous étiez tout petit je parie ?)

Francesco Pittau : J'ai menti... En fait j'avais un crocodile sous chaque pied. Mais bon, personne me croirait.

Stéphane Bernard : Murièle, je suis sûr qu'en cherchant un peu, tu vas trouver quelque chose, parce que la bibliothèque...

Cathy Garcia : Sur des nappes de restaurant ?

Brigitte Giraud : C'est piégeant ta question, Stéphane, parce qu'on se creuse la tête, voyons voyons on se dit, merde ! j'ai pas d'endroit insolite ! puis on se reprend, mais si mais si t'en as un, un bureau, un bout de papier dans son lit, du très banal en somme qui peut devenir insolite, si on le décrète.

Stéphane Bernard : Oui, mais je vous rassure, Brigitte, je me fais ça à moi-même. Et je me dis, mince, j'ai jamais écrit dans un bimoteur en survolant le Grand Canyon.  Mais pas grave, allez-y, je prends tout. Même les nappes !

Cédric Bernard : Au volant.

Stéphane Bernard : Je me suis déjà envoyé des textos parce que je n'avais rien pour noter... A la Carver, Cédric ? Voiture à l'arrêt, hein, parce qu'il est interdit d'écrire des poèmes en conduisant.

Francesco Pittau : Les bagnoles, c'est courant.

Cédric Bernard : Ben euh, non (je sais, pas bien), feuillet coincé sur le volant, volant calé par les genoux. Sinon, c'est les wc, la balancelle, le pieu, le fauteuil, la chaise, etc... rien de bien anodin.

Francesco Pittau : Le plus marrant, ce serait de connaître les supports utilisés.

Brigitte Giraud : PQ, pourquoi pas ? Si y a urgence.

Stéphane Bernard : Oui, la voiture est un « isoloir » courant.

Cédric Bernard :  Courant aussi certainement, le paquet de clopes démonté, et oui, Stéphane, le traitement de texte du téléphone.

Stéphane Bernard : PQ, fait... Oui, le paquet de clopes, et le ticket de métro, un prospectus sur des promos de viande... Une fois, après avoir dormi dans un abri de bord de mer, n'ayant rien sur moi, j'ai récupéré sur la grève une pierre de craie et j'ai écrit mon poème sur le bois du cabanon. Et puis je suis revenu pour le recopier.

Rodrigue Lavallé : Comme lieu : dans le bus, le train, le tram, métro, bref les transports en commun lyonnais. Pas très original mais bon... Comme support : l'intérieur de mon paquet de feuilles à rouler, quelques vers.

Stéphane Bernard : « l'intérieur de mon paquet de feuilles à rouler, quelques vers », déjà tout un haïku, Rodrigue.

Dominique Boudou : Rien d'original en ce qui me concerne. J'écris dans ma tête, un peu, et à la maison, beaucoup.

Stéphane Bernard : Bon, personne ne s'est fait tatouer un de ses super poèmes ? Aucun vers écrit dans le ciel avec la Patrouille de France ? Le poète est décidément sobre et casanier.  (Bon, bah ce sera retour à la psychanalyse dès la prochaine session, hein... Tant pis pour vous.)

Thierry Roquet : Lorsque j'ai marché (le premier) sur la Lune, j'ai planté le drapeau breton (les Ricains se foutent de nous) puis écris un long poème élégiaque de 137248 pieds (taille 47), assis des jours et des jours et des jours (aucune nuit à l'horizon) sur une flourgue (une sorte de reptile immobile). Eh ouais !

Stéphane Bernard : Tu n’as pas croisé Francesco ? Mais la lune, ça a l'air chiant, non ? Et Monsieur Roquet est breton ?

Thierry Roquet : Nan / assez / oui.

Bruno Legeai : J'aime écrire avec le doigt sur une plage ou la buée d'une vitre, ce sont de courts poèmes qui disparaîtront très vite, j'aime que les choses s'effacent sans traces ou presque sinon que l'instant a été. A noter que la buée revenue sur une vitre rendra lisible le texte, et ce pendant presque une année si on ne lave pas les carreaux... Aussi, parfois, à la craie sur l'écorce d'arbres en forêt à l'écart des sentiers... Bref, écritures cachées, c'est grave docteur ?... Et sinon, mais c'est un peu hors de la question, je capture au stylo des phrases, fragments, bruits, dans des lieux où je suis. Une « forme poétique concrète » passant du bruit au papier sans hiérarchie sinon ma perception. J'ai ma pomme écrite en 2011, ici photographiée au sténopé, conservée dans son bocal Le Parfait, toujours sur le dessus de ma bibliothèque, après déménagements et autres péripéties :



Ce matin :


Stéphane Bernard : Géniale, cette pomme, Bruno. Elle semble cuite par le temps. Et oui, être une simple oreille aussi et noter ; je n'ai tenté ça véritablement qu'une seule fois, durant toute une soirée, la sélection se faisant de manière aléatoire (mais pas si sûr que ce soit si aléatoire). Quant à l'écriture éphémère, je crois que ça rejoint l'une des premières sessions. C'est la quête d'une forme de rature par la nature alliée au temps, peut-être...

Bruno Legeai : Tu dois connaître, Stéphane, Le Mangeur de brumes de Han-shan, des poèmes écrits sur des arbres, des pierres, etc. dans la montagne de son ermitage (VIème/VIIème siècle) qui ont été copiés/récoltés par les paysans. J'ai découvert ces poèmes, j'étais gamin, et depuis, j'ai souvent dissocié l'écriture (que je pratique peu et en dilettante) de la lecture. Cette écriture n'est pas destinée à être lue, c'est un geste(d'où sa dissimulation ou son évanescence, je ne photographie ni ne recopie). Et si c'est un geste sans lecture, alors est-ce encore une écriture, malgré mots et lettres ?

Stéphane Bernard : Non, Bruno, je ne connais pas. Et comme j'adore les Chinois de cette période, c'est étrange. Je vais aller voir ça. Merci. Et puis j'aime ce genre de rituels.

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